Taxes et Droits de Douanes: L'ONATEL doit payer plus de 11 milliards de fcfa à l'Etat

mercredi, 26 octobre 2016 09:10 Écrit par  La Rédaction/ Infobf.net Publié dans Economie

Le réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) était face à la presse ce mercredi 12 octobre 2016 à son siège à Ouagadougou. Le sujet du jour : une affaire douanière impliquant l’Office national des télécommunications (ONATEL SA), et portant sur plusieurs milliards de nos francs. 

C’est le Secrétaire exécutif adjoint du REN-LAC, Sagado Nacanabo qui a campé le décor à cette rencontre avec les hommes de médias. Dans sa déclaration, le réseau confie que le lièvre a été levé par une publication de la radio Oméga, le 19 septembre 2016, avec pour titre « Exclusif Litige Douanes/ONATEL-SA Quand l’Etat encaisse 100 millions au lieu de 11 milliards de FCFA ». Suite à cela, le REN-LAC qui en était déjà saisi, a entrepris des démarches en vue de mieux cerner le problème, évaluer l’ampleur des dommages subis par l’Etat Burkinabè et connaitre l’état de la gestion du dossier ». Une tentative d’obtenir une audience avec l’ONATEL SA sur le sujet a été faite, « mais compte tenu du climat social qui prévalait au sein de ladite société, cette demande n’a pas pu être transmise à son destinataire », laisse entendre le Secrétaire exécutif adjoint.

Un transfert d’exonération illégale

Les faits selon le réseau. L’affaire débute courant l’année 2014, ou la Direction Générale des Douanes a diligenté un contrôle au sein de l’ONATEL SA. Ce contrôle a révélé qu’en décembre 2011, une opération de fusion-absorption de TELMOB SA par l’ONATEL SA a été opérée. A cette occasion, les équipements préalablement acquis par TELMOB SA sous un régime douanier d’exonération, d’une valeur estimée à 34 776 975 108 francs CFA, ont été transférés à l’ONATEL SA. Or, selon la règlementation douanière, un tel transfert ne pouvait se faire qu’après une déclaration préalable desdits équipements à l’administration douanière ; et cette déclaration devrait être suivie de l’acquittement des droits et taxes de douanes correspondant à la valeur des équipements transférés, lesquels sont évalués à 11 317 919 506 francs CFA.

L’ONATEL SA a reconnu les faits et a souhaité un règlement à l’amiable. Il y a eu ensuite des tractations courant 2015 entre l’office et l’administration douanière, y compris le ministre en charge de l’Economie et des finances. A l’issue de ces tractations, le ministre a instruit le DG des Douanes le 3 décembre 2015, de percevoir la somme de 100 millions de francs CFA. Le lendemain 4 décembre 2015, l’ONATEL SA s’est acquittée de ladite somme, par le biais de Bolloré, sans même attendre la formalisation de la transaction.

Ce rapide dénouement appelle deux observations fondamentales selon le REN-LAC. D’abord, les droits et taxes de douanes évalués à 11 317 919 506 FCFA, passés sous silence par le ministre en charge de l’Economie et des finances d’alors, n’ont pas été perçus et ce, jusqu’à une date récente. Ensuite, les faits relevés sont constitutifs de l’infraction douanière d’ « importation sans déclaration de marchandises soumises à autorisation spéciale » réprimée par l’article 261 du code des douanes ainsi qu’il suit : confiscation de l’objet de fraude, confiscation des objets servant à masquer la fraude, amende égale ou double de la valeur de l’objet de fraude, etc. Pour le réseau, « si l’on considère rien que la peine d’amende, l’Etat burkinabè est en droit de réclamer à l’ONATEL SA environ 70 milliards de francs CFA pour ces manquements ».

Contrôler les autres réseaux de téléphonie

Selon des informations en possession du REN-LAC, le gouvernement Thiéba a été saisi de l’affaire depuis février 2016. Mais pas de suite appropriée. Au-delà des manquements sus-évoqués, le Réseau trouve que deux autres appellent des mesures appropriées de la part du gouvernement.

Il s’agit d’abord de la déclaration non exhaustive du matériel et des équipements de TELMOB SA irrégulièrement transférés à l’ONATEL SA. L’estimation de la valeur réelle desdits équipements et matériels serait de l’ordre de plus d’une centaine de milliards, loin des 34 milliards ci-dessus évoqués.

En second lieu, le réseau mentionne l’octroi illégal de faveurs fiscales à l’ONATEL SA depuis 2012. En effet, par arrêté en date du 4 juillet 2012, la Commission nationale de l’investissement (CNI) autorisait le transfert du régime douanier de faveur dont bénéficiait TELMOB SA à l’ONATEL SA. Or, non seulement la CNI n’a pas la compétence d’une telle opération, mais en outre, le code des investissements interdit formellement une telle opération sans l’accord préalable de l’administration douanière.

C’est pourquoi depuis le vendredi 30 septembre 2016, le Réseau a adressé une saisine au Ministre de l’Economie, des finances et du développement (MINEFID) pour demander la prise des mesures suivantes :

  • la perception des droits et taxes de douane évalués à 11 317 919 506 francs CFA, dont le non acquittement a été constaté par l’administration douanière dans le cadre des investigations menées courant 2014 et 2015 ;
  • un contrôle complémentaire à l’ONATEL SA, en vue d’inventorier de manière aussi exhaustive que possible les biens et équipements admis en franchise pour le compte de TELMOB SA de 2006 à 2011, en vue d’évaluer l’ampleur exacte du préjudice subi par l’Etat burkinabè en termes de droits et taxes de douane non acquittés ;
  • la prise de sanctions dissuasives à l’encontre de l’ONATEL SA pour les infractions douanières en cause conformément aux textes douaniers;
  • l’élucidation du rôle des différents acteurs dans cette gestion scandaleuse du litige et la prise de sanctions appropriées à leur encontre ;
  • la réalisation diligente de contrôles similaires dans les autres sociétés de téléphonie mobile existant sur le territoire national en vue de s’assurer du respect par celles-ci des obligations douanières et fiscales dans le cadre de leurs activités.

Le réseau attend toujours la réaction du gouvernement et espère un traitement adéquat du dossier. Pour ses premiers responsables, le préjudice subi par l’Etat est énorme, surtout dans un contexte socio-économique si tendu. C’est pourquoi outre la saisine, le REN-LAC interpelle de nouveau le gouvernement sur la nécessité de rétablir l’Etat dans ses droits, mais aussi de prendre des mesures vigoureuses pour freiner l’incivisme fiscal sous toutes ses formes.

« Ce gouvernement y a tout intérêt, lui qui ne cesse de mettre en avant le manque de ressources pour satisfaire les besoins pressants des Burkinabè. Plutôt que de passer son temps à créer de nouvelles taxes pour pressurer davantage les pauvres populations, l’Etat a intérêt à traquer sérieusement ceux qui le spolient », a fait remarquer le réseau.

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